Moïse Katumbi : l’échec de sa croisade contre Pascal Beveraggi en RDC ?

Moïse Katumbi l’échec de sa croisade contre Pascal Beveraggi en RDC

Une guerre économique et judiciaire au cœur du secteur minier congolais dont l’homme d’affaires français Pascal Beveraggi est en passe de sortir vainqueur.

Depuis 2015, la République Démocratique du Congo (RDC) est le théâtre d’une bataille judiciaire d’une rare intensité entre deux figures majeures de son économie et de sa politique : Pascal Beveraggi, un homme d’affaires français connu pour sa réussite dans le secteur minier notamment, et Moïse Katumbi, ancien gouverneur du Katanga et figure politique influente dans le pays. Le conflit porte principalement sur le contrôle de la Mining Company of Katanga (MCK), devenue NB Mining puis NB Mining Africa, un acteur clé dans le secteur minier de cette région riche en ressources naturelles. 

Les nombreux affrontements judiciaires, perdus tour à tour par Katumbi, illustrent bien les dynamiques de pouvoir et les liens entre politique, intérêts privés, et influence ethnique dans l’un des secteurs les plus stratégiques de la RDC.

Un conflit minier à l’origine d’une saga judiciaire

Le litige commence en 2015, lorsque Moïse Katumbi, alors gouverneur du Katanga, vend sa société MCK spécialisée dans la sous-traitance minière au groupe Necotrans, une entreprise française aux activités multiples. Necotrans choisit alors Pascal Beveraggi, qui cumule plusieurs décennies d’expérience dans le secteur minier, pour prendre la tête du Conseil d’Administration de MCK, rebaptisée NB Mining. En 2017, suite à la liquidation de Necotrans, Pascal Beveraggi rachète les actifs de NB Mining via sa société Octavia Limited. Cette acquisition est rapidement contestée par Katumbi, alors en exil politique, qui allègue des irrégularités dans la transaction, et tente de profiter de la chute de Necotrans pour remettre la main sur son ancienne entreprise.

En 2018, malgré les défis judiciaires, Pascal Beveraggi parvient à prendre finalement possession des actifs de NB Mining via son groupe Octavia Limited et sa nouvelle société « NB Mining Africa ». Cependant, le retour de Moïse Katumbi en RDC en 2019 bouleverse l’équilibre et transforme l’affaire en saga judiciaire. Réintégré dans la vie publique à la faveur d’un changement politique profond au Congo, Katumbi bénéficie d’un soutien stratégique dans un contexte de recomposition nationale, visant à réunir les figures de l’opposition sous l’égide de l’Union sacrée. Le katangais y voit là une opportunité pour renforcer son influence et regagner ses actifs économiques dans sa région natale, un atout essentiel pour son retour en force. 

En 2020, profitant de ses nouveaux réseaux judiciaires, Katumbi obtient une condamnation de l’entreprise de Beveraggi à Kolwezi, sans que la société Octavia ou ses représentants ne soient informés de la procédure ni représentés au procès. Ce jugement condamne Octavia à verser 70 millions de dollars à Astalia, société liée à Katumbi, et s’accompagne de saisies d’actifs orchestrées avec l’appui de forces para-militaires. Ces actions brutales, qualifiées de « saisies illégales », incluent la saisie d’actifs financiers chez plusieurs partenaires majeurs, notamment EcoBank, Gécamines et Ruashi Mining, pour une valeur totale de 15 millions de dollars.

Ces saisies provoquent des affrontements violents, jusqu’à ce que deux hommes perdent la vie lors des offensives menées par la milice de Katumbi pour reprendre le contrôle de ses sites miniers. Cette triste escalade met en lumière les dangers auxquels sont exposés les travailleurs du secteur minier dans ce bras de fer économique et judiciaire, où les réseaux politiques et militaires sont mobilisés pour contrôler des actifs financiers et stratégiques de premier plan​.

En 2022, Katumbi étend les limites du conflit en tentant d’obtenir une exécution de la décision du tribunal de Kolwezi à Dubaï, où est basée Octavia. Ce recours visait à bloquer les actifs d’Octavia aux Émirats arabes unis. Là encore, Beveraggi obtient gain de cause après un procès rigoureux, en appel puis en cassation, prouvant que les documents soumis par Katumbi étaient falsifiés. Cette victoire devant les tribunaux émiratis représente une défense importante pour Beveraggi, soulignant la persistance de documents et de procédures frauduleuses utilisées contre lui dans le but de récupérer les actifs miniers congolais.

Un tournant en 2024 : victoire juridique de Beveraggi contre EcoBank

Alors que le conflit Beveraggi-Katumbi dure déjà depuis 7 ans, un élément nouveau est venu donner de l’espoir à l’homme d’affaires français en octobre 2024. Beveraggi vient de remporter une bataille contre EcoBank, condamnée par les tribunaux congolais pour avoir transféré indûment des fonds appartenant à NB Mining Africa, sa société, vers les comptes d’Astalia, la société de Katumbi. Ce jugement impose à EcoBank de verser des indemnités substantielles à Beveraggi (5,5 millions d’euros), consolidant sa position sur le marché minier et renforçant son image face à Katumbi et ses soutiens. Cette décision marque un point tournant, et elle est perçue par le camp Beveraggi comme une reconnaissance officielle de ses droits sur NB Mining​.

Influence politique et rivalités régionales

Au-delà des considérations économiques, la rivalité Beveraggi-Katumbi reflète des tensions politiques et régionales. Katumbi, bien ancré dans le paysage politique congolais, mobilise ses réseaux pour contester la légitimité de Beveraggi en tant que dirigeant de NB Mining. Son implantation locale, notamment en tant que propriétaire du club de football TP Mazembe, est un atout qui lui permet de fédérer une partie de l’opinion publique contre Beveraggi. Ce dernier s’est également impliqué dans la vie sportive et associative locale en devenant président de l’équipe rivale, le FC Saint-Eloi Lupopo, une façon pour lui de solidifier son assise et de marquer son territoire face à Katumbi dans la région minière du Katanga​.

Les partisans de Beveraggi accusent Katumbi d’instrumentaliser la justice pour servir ses propres intérêts économiques. Dans un contexte où les luttes de pouvoir se jouent souvent sur fond d’allégeances ethniques et de stratégies de contrôle de la richesse minière, Beveraggi voit dans ces manœuvres une tentative de reprise en main d’un secteur stratégique par un réseau d’influence auquel il est étranger.

Répercussions et implications pour l’avenir du secteur minier

La conclusion de cette bataille pourrait bien redéfinir les règles du jeu pour les investisseurs étrangers et locaux en RDC. La victoire de Beveraggi contre EcoBank a ravivé les spéculations quant à l’issue finale de ce conflit, d’autant que la justice congolaise semble, pour l’instant, pencher largement en sa faveur malgré l’influence politique de Katumbi. Ce cas met également en lumière les difficultés rencontrées par la RDC pour garantir un environnement d’affaires stable et prévisible, un enjeu crucial pour le pays, dont l’économie repose en grande partie sur l’exploitation de ses ressources naturelles.

Les observateurs s’accordent à dire que l’issue de cette affaire aura des répercussions profondes, tant pour le climat des affaires que pour l’équilibre des pouvoirs en RDC. Les partisans de Beveraggi espèrent que ses récentes victoires juridiques pourront stabiliser NB Mining, tandis que ceux de Katumbi continuent de s’opposer fermement à l’homme d’affaires français, espérant un renversement de la situation dans les mois à venir​

Enjeux éthiques et d’intégrité dans le secteur minier congolais

Enfin, cette affaire pose la question de la transparence et de la gouvernance dans le secteur minier en RDC. Le conflit Beveraggi-Katumbi souligne les difficultés pour les entreprises internationales de naviguer dans un cadre juridique souvent influencé par des intérêts politiques. Les accusations de partialité, les rumeurs de corruption et d’allégeance régionale, et les tentatives de manipulation judiciaire remettent en cause l’indépendance des institutions congolaises, qui se retrouvent au cœur de cette bataille économique. À mesure que les tribunaux congolais et internationaux se prononcent, l’affaire Beveraggi contre Katumbi continue de polariser, chacun des deux camps étant déterminé à s’approprier ce joyau économique.

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Thomas

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